La Hongrie est-elle sur la voie d’une démocratie despotique ? Dans une interview donnée à la chaîne d’information ATV le 28 juillet, le philosophe Gáspár Miklós Tamás (« TGM ») – une grande figure intellectuelle en Hongrie – tire la sonnette d’alarme suite au discours du Premier ministre Viktor Orbán en Roumanie samedi 26 juillet. TGM affirme que « la Hongrie a officiellement, cérémonieusement, ouvertement, publiquement, dit au revoir à la démocratie ».
(La traduction vers l’anglais a été réalisée par George Szirtes et publiée sur son blog. Notez que les questions ne sont pas des traductions mais un résumé des questions/interventions d’Olga Kálmán).
Olga Kálmán – ATV : Qu’y a-t-il de nouveau dans tout cela ?
TGM : Il s’agit d’une rupture complète avec le consensus de l’après-1945 endossé par ce que nous appelons le monde libre […]. Son abandon de la responsabilité sociale représente une rupture avec les idées de liberté et d’égalité. Qu’est-ce que signifie un « État basé sur le travail » ? Cela veut dire un état non-social, un État de non-providence, un État qui n’offre ni soutien ni aide. Comme le Arbeit macht frei, n’est-ce pas ? Cela signifie que le travail est ce que les gens font, non parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils le doivent, pour faire prospérer les capitalistes, le genre de travail que les chômeurs seraient obligés de faire, ce contre quoi, dans un pays libre, provoquerait des manifestations de masse… La question est : qu’est ce qui est à venir ?
Ce qui est nouveau est que c’est devenu un programme politique qui va être adopté par l’État. Samedi, la Hongrie a officiellement, cérémonieusement, ouvertement, publiquement, dit au revoir à la démocratie. Le Premier ministre, le leader autocratique du pays, a déclaré qu’il est opposé à la société civile. Avez-vous remarqué que nous n’avons d’ailleurs plus de Parti au pouvoir ? A quand remonte la dernière fois où nous avons entendu quoi que ce soit de la part du Fidesz en tant que véritable acteur politique ? Tout ce que nous avons entendu dernièrement, c’est un appareil d’État dans lequel il ne reste pas une once de processus démocratique. […]
Nous avons donc ici, dans ce discours terrifiant, donné à ses amis et à un public très enthousiaste, l’un des moments les plus sombres de l’histoire de la Hongrie, un moment d’obscurité livré par Viktor Orban. Pendant ce temps, tout le monde fait « Oh la la, il recommence, n’est-ce pas exactement le genre de chose qu’il a tendance à dire… ». Mais ce n’est pas ce qui se passe ici. Il est temps de prendre Viktor Orban au sérieux, afin de se battre contre lui et de sauver la Hongrie. Je ne le méprise pas, je ne le prends pas de haut. Ce que nous avons ici, c’est une dictature presque entièrement achevée.
Dans toute dictature, la personne du dictateur est importante. Viktor Orban ne va pas laisser le pouvoir lui filer entre les mains maintenant. Toutes les dictatures dépendant du dictateur, nous devons maintenant nous préoccuper de la nature de la personne d’Orbán. Il nous a dit qu’il ne sera pas remplacé par des élections. Cela signifie que ceux qui sont contre lui doivent être prêts pour le combat le plus sombre. Soit il reste en fonction tant que lui permet sa santé, dirigeant les affaires du pays par sa propre autorité, alors que le pays s’enfonce dans l’obscurité, que ce soit en termes économiques, politiques, culturels, sociaux ou moraux, jusqu’à ce que nous devenions une terre perdue, une épave, un endroit terrible, un trou noir sur la carte de l’Europe, un endroit plus arriéré et plus tyrannique qu’aucun de nos voisins d’Europe orientale, et nous devrons commencer à envier les Bulgares et les Macédoniens qui seront dans un bien meilleur état que nous, plus libres et plus cultivés.
plus: HulaLa