COMMUNIQUÉ

La transformation anti-démocratique de la scène culturelle en Hongrie
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Ces dernières semaines, de récentes mesures législatives destinées à transformer de manière autoritaire les structures institutionnelles et le système de financement de la vie culturelle hongroise ont été prises en Hongrie. Ces mesures ont placé un groupe d’artistes ultraconservateur proche du gouvernement de droite, l’Académie hongroise des arts, en position de pouvoir dominante. A long terme, ces décisions gouvernementales mettent en danger l’autonomie, le professionnalisme, ainsi que le fonctionnement démocratique des structures institutionnelles de l’art contemporain hongrois.

En janvier 2012, le gouvernement hongrois a instauré l’Académie hongroise des arts (MMA) dans la nouvelle constitution ou Loi fondamentale de la Hongrie, dont le contenu a suscité de vives critiques sur la scène internationale. L’Académie, jusqu’alors association privée fondée en 1992, exige un « engagement national » de ses membres, et se compose par conséquent d’artistes d’une grande loyauté envers le gouvernement. En 2011, par le biais d’un processus sans aucune transparence, l’Académie hongroise des arts est passée du statut d’association privée à celui d’organisme public, a obtenu un bâtiment indépendant pour siège et a été doté d’un budget considérable. A la fin du mois de novembre, le gouvernement a décidé de renforcer encore le rôle stratégique culturel de l’Académie hongroise des arts, lui octroyant d’une part le pouvoir sans précédent que représente le droit exclusif de décider de tout ce qui touche à la vie artistique contemporaine, d’autre part un budget sans précédent au détriment de l’ensemble de la scène artistique hongroise.
Selon le communiqué du ministère, l’Académie aura un droit de regard sur le travail des comités décidant des prix nationaux importants, et la révision du système de financement culturel public va prochainement être amorcée avec le concours du président de l’Académie hongroise des arts. Ce système de financement, jusqu’à présent géré par des organes consultatifs professionnels représentant les différentes branches artistiques et incluant l’organisme nommée Fonds culturel national dont l’activité de financement culturel est la plus étendue, est menacé de centralisation et de subordination à une communauté dont le ciment est idéologique. L’Académie hongroise des arts a exprimé son intention d’assumer des fonctions et responsabilités d’état, comme celle d’avoir un droit de regard sur la nomination des directeurs d’institutions culturelles ou de musées, et même sur le fonctionnement d’organismes professionnels.

A partir du 1er janvier 2012, le Műcsarnok (Kunsthalle) de Budapest, lieu concret et symbolique le plus significatif pour l’art contemporain hongrois, deviendra la propriété de l’Académie hongroise des arts, laquelle aura également le droit de définir le profil et le programme de l’institution. Suite à cette décision officielle, le directeur actuel du Műcsarnok a démissionné.

La légitimité de l’Académie hongroise des arts étant garantie d’un point de vue légal, elle n’équivaut cependant pas à une légitimité professionnelle. La valorisation du rôle politique culturel de l’Académie hongroise des arts, l’élargissement de son champ d’action et l’augmentation de son budget sans aucune consultation publique et professionnelle se sont déroulés de manière anti-démocratique, en excluant les organismes professionnels. Simultanément aux restrictions budgétaires drastiques touchant presque tous les domaines de la culture, ces processus engendreront la mutilation d’un paysage artistique hongrois fondamentalement varié.

En prenant ces mesures, le ministère des Ressources humaines représentant le gouvernement hongrois a cédé le droit de prendre les décisions les plus importantes concernant la vie culturelle à une association d’artistes se déclarant le porte-drapeau de la culture conservatrice et nationale, s’opposant ainsi ouvertement à la culture contemporaine qui rejette le contrôle de l’Etat et de l’Eglise, et qui assume l’autonomie et le rôle social critique de l’art. Le pouvoir politique exécutif veut ainsi définir de manière directe, et ce en s’appuyant sur un cadre législatif, les contenus de la culture contemporaine afin de mettre un terme à sa pluralité de valeurs encore existante.
Direction de la section hongroise de l’AICA / Association Internationale des Critiques d’Art
nemma@autistici.org, ellenpolus@autistici.org., ou aicahu@freemail.hu

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