La Hongrie du nationaliste conservateur Viktor Orban est en train d’inventer la “démocratie affective” : une façon inédite – en tout cas au sein de l’Union européenne – de forcer la main au Parlement au gré des besoins du pouvoir et en jouant sur les passions populaires.
Adoptée à Budapest dans la nuit du 11 au 12 novembre, la nouvelle loi instaurant la détention provisoire illimitée, pour des personnes qui encourent quinze ans de réclusion ou plus, est un bon exemple de cette méthode à la hussarde. L’opinion hongroise s’était émue de l’évasion de deux membres d’un gang, soupçonnés de meurtres et de vols. La durée de l’instruction de leur affaire ayant dépassé la limite de la détention provisoire, alors fixée à quatre ans, ils avaient été placés, au mois d’avril, en résidence surveillée en Hongrie, mais avaient réussi à s’échapper, avant d’être repris en Suisse, début octobre.
Ce fait divers a fourni l’occasion au gouvernement Orban de rebondir sur l’actualité pour satisfaire le besoin d’ordre de l’électorat d’extrême droite à l’approche des élections législatives d’avril 2014. En trois semaines, grâce aux voix de la majorité de droite, soutenue en la circonstance par les députés du parti néofasciste Jobbik, plusieurs lois jugées liberticides par l’opposition ont conduit à instaurer la détention provisoire illimitée. Selon l’avocat György Magyar, cette disposition est ” complètement contraire à l’évolution du système juridique européen”, qui, depuis un bon demi-siècle, s’est détourné d’une approche purement carcérale de la criminalité.
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