La droite, soutenue par l’extrême droite, a modifié la Constitution pour pouvoir déclarer de larges zones de Budapest interdites aux SDF.
Budapest, ses bains, son Opéra, son magnifique Parlement… et ses rues débarrassées des SDF. Jeudi, le conseil municipal de la capitale hongroise, dominé par la majorité de droite populiste de Viktor Orbán, a approuvé une liste des espaces publics où «la vie dans la rue» sera interdite : le secteur classé au patrimoine mondial de l’Unesco, les arrêts de transports publics et les gares dans un rayon de 50 mètres, une trentaine de passages souterrains, les ponts, les cimetières, les aires de jeux pour enfants, les écoles et centres de protection de l’enfance, les établissements d’enseignement supérieur dans un rayon de 100 mètres, etc. N’en jetez plus, la liste fait 25 pages.
Les sans-abri seront passibles d’amendes, de travaux publics, voire d’emprisonnement. Jeudi, une quarantaine de membres et sympathisants de l’association A város mindenkié («la ville est à tout le monde»), dont des universitaires et des artistes, a occupé la mairie et retardé le vote de plusieurs heures. Ils ont chanté des poèmes, récité la charte sociale européenne ainsi que la Déclaration des droits de l’homme et clamé : «Logement, démocratie, Etat de droit ! Vive la république !» avant de se faire évacuer.
Si la droite, soutenue par l’extrême droite, a tranquillement voté ce décret, c’est grâce à une loi adoptée le 30 septembre par le Parlement. Celle-ci permet aux autorités locales de définir des zones interdites aux sans-abri. «Il y a des gens qui aimeraient s’asseoir avec leurs petits-enfants sur les bancs publics mais qui ont peur de le faire pour des raisons de santé publique ; ces gens-là aussi ont des droits», déclarait à l’occasion du vote le député chrétien-démocrate Tamás Lukács.
Ce jour-là, Tessa Udvarhelyi, membre d’A város mindenkié, a eu une impression de déjà-vu. Car la même législation, ou presque, avait été votée en 2011. La Cour constitutionnelle avait alors invalidé le texte. Mais, avec sa majorité des deux tiers, la droite d’Orbán a depuis modifié la Constitution et inscrit dans son texte, le 11 mars, la possibilité de pénaliser les sans-abri. Les «sages» ne peuvent donc plus déclarer la mesure inconstitutionnelle. Le Parlement a d’ailleurs veillé à les bâillonner une fois pour toutes : à l’avenir, la Cour constitutionnelle ne pourra plus se prononcer sur le contenu, mais seulement sur la forme des lois. «Depuis l’arrivée de ce gouvernement au pouvoir, l’Etat de droit s’affaiblit de jour en jour», constate Tessa Udvarhelyi. Selon un collectif d’ONG, les personnes sans domicile fixe dans la capitale étaient 8 641 en 2012, contre 7 199 l’année précédente. Leur nombre oscillerait en réalité entre 10 000 et 15 000, sur 2 millions d’habitants.
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